Etudes médicales Apports en fer des enfants allaités ; Allaitement et statut du fer ; Statut du fer chez les enfants allaités
(sources LLL)
Apports en fer des enfants allaités
A randomized controlled clinical trial of increased
dietary iron in
breastfed infants. M Makrides, R Leeson, RA Gibson,
K Simmer. J Pediatr 1998
; 133(4) : 559-62.
Pour cette étude australienne, des enfants
allaités de 6 mois ont été
répartis par tirage au sort en deux groupes.
Le premier recevait des
aliments de sevrage riches en fer (n = 36, apports
en fer : 8,2 ± 2,9
mg/jour) et l'autre constituait le groupe témoin
(n = 26, apports en fer :
5,2 ± 3,4 mg/jour). A l'âge de 12 mois,
il n'existait aucune différence
entre ces 2 groupes quant à leur statut pour
le fer, qui était parfaitement
normal.
Allaitement et statut du fer
Newsletter Infact Canada. Automne 1997. Mots-clés
: fer, ané-mie,
allaitement, alimentation au lait industriel.
Dans les pays occidentaux, certains suspectent l'allaitement
d'induire des anémies. Des publications font
état du « faible taux » de fer
du lait
maternel, et conseillent de donner du fer aux enfants
allaités. Les
brochures d'informations et articles sponsorisés
par les fabricants d'
aliments de substitution sont conçus pour amener
subtilement les parents (et les pédiatres)
à se demander si le bébé absorbe
assez de fer. Certes, les anémies existent,
mais leur préva-lence est loin d'être
aussi importante que ces publications alarmistes veulent
le faire croire.
Tout d'abord, quels sont les enfants qui courent
un risque d'anémie ? Une étude de Lehman
et al a évalué la prévalence
de l'anémie dans une cohorte d' enfants nés
de mères montréalaises d'un bas niveau
socio-économique.
Seulement 17% des 220 bébés suivis étaient
allaités en post-partum précoce, et
6% étaient encore allaités à
4 mois. L'alimentation reçue par ces enfants
allait du lait de vache du commerce courant au lait
industriel enrichi en fer ; certains nourrissons recevaient
des bouillies de céréales enrichies
en fer dès l'âge de 1 mois. 25% de ces
enfants présentaient des signes d'anémie;
il n'existait aucune corrélation entre la présence
ou non d'une anémie et la consommation de lait
ou d'aliments enrichis en fer. Cependant, cette étude
(sponsorisée par les Labo-ratoires Ross) recommandait
en conclusion de distribuer gratuitement aux mères
défavorisées des boites de lait enrichi
en fer (mais ne disait pas un mot de l'importance
de promouvoir l'allaitement dans ce type de population).
Une autre étude (Greene-Finestone) a porté
sur 320 mères. 76% allaitaient en post-partum
précoce. La prévalence de l'anémie
était de 18,7% chez les enfants qui n'avaient
jamais reçu de lait maternel, de 14,4% chez
les en-fants allaités moins de 6 mois, et de
10,7% chez les enfants allaités plus de 6 mois.
La conclusion des auteurs était que la prévalence
de l'anémie était basse lorsque l'enfant
était allaité longtemps, qu'il recevait
des aliments contenant du fer pendant le sevrage,
et que les parents avaient facilement accès
aux services de santé. On peut donc se demander
pourquoi l'Académie Canadienne de Pédiatrie
a estimé utile de se fonder sur la première
de ces deux études pour rédiger ses
recommandations sur la supplémentation en fer.
Ce texte (Meeting the iron needs of infants and young
children - an
update), publié en 1991, a induit une certaine
confusion en raison des
données non scientifiquement fondées
et imprécises sur lesquelles il s'
appuie. Le principal biais de ce texte est le fait
que, comme le font les
fabricants de lait industriel, il compare le statut
du fer entre des enfants
nourris au lait de vache ordinaire à celui
d'enfants recevant du lait
industriel enrichi en fer, au lieu de pren-dre pour
base le statut d' enfants allaités. Dans la
mesure où le fer du lait maternel est particulièrement
bien absorbé, et où ce sont les enfants
allaités qui ont le meilleur statut pour le
fer, pourquoi cette impasse sur l'allaitement ? La
première recommandation ne serait-elle pas
de conseiller l'allaitement ?
Particulièrement caractéristi-que de
« l'alarmisme » qui règne en la
matière est cette déclaration de Ziegler
et Fomon, deux nutritionnistes américains très
en vue : « Les besoins en fer sont si élevés
pendant la première année de vie qu'ils
ne peuvent être satisfaits que par le don à
l'enfant d' aliments enrichis en fer, ou par celui
de compléments de fer. Enrichir en fer les
laits industriels représente un excellent moyen
d'assurer aux bébés un apport correct
en fer ; ces laits peuvent être donnés
à de très nombreux enfants, ils ne font
courir aucun risque, et ils sont bien acceptés.
» Et de recommander le don de tels laits dès
la nais-sance. Pourquoi dès la naissance ?
Les enfants nés à terme et en bonne
santé ont des réserves en fer suffisantes
pour au moins les 6 premiers mois de vie. Aucun risque
vraiment ? Des études ont pourtant montré
que l'enrichissement en fer augmentait le risque d'infections
digestives. On dit que le taux de fer du lait humain
est bas. Bas par rapport à quoi ? Pendant combien
de temps encore demandera-t-on au lait humain d'apporter
la preuve de son adéquation aux besoins de
l'enfant, et non au lait industriel ? Aussi longtemps
que ces
études seront sponsorisées par les fabricants
d'aliments de substitution
dont le principal objectif est de créer un
marché pour leurs produits.
Plus n'est pas synonyme de mieux. Tout ce fer reçu
par des en-fants
supplémentés dès leur naissance
n'est-il pas susceptible d'avoir des effets néfastes
? Le fer est un puissant oxydant ; des études
ont montré qu'un apport trop important de fer
interférait avec l'absorption du zinc et du
cuivre. Des recherches ont-elles été
faites pour apprécier l'impact à plus
long terme de cet apport im-portant en fer ? Le taux
de fer des laits
industriels est en général d'environ
7 mg/l en Europe, et de 12 mg/l aux USA ; or, des
études ont montré qu'un taux de 4 mg/l
était tout à fait
suffisant. Que devient ce fer en excès ? On
peut se poser la question quand on sait qu'une surcharge
ferrique peut induire des cirrhoses hépatiques,
des cardiomyopathies, un diabète ou des arthropathies.
La plupart des questions concernant la supplémentation
en fer sont toujours sans réponse. Il est clair
que des études sont nécessaires pour
en savoir davantage sur l'intérêt et
la marge de sécurité d'une supplémentation
en fer. En tout état de cause, ce sont les
parents des enfants allaités qui ont le moins
de souci à se faire : toutes les études
mon-trent que ce sont les enfants allaités
qui ont le meilleur statut pour le fer pendant au
moins les 6 premiers mois.
Références
? Lehman, F. et al. Iron Deficiency anemia in 1 year
old children of
disadvantaged families in Montreal. Can Med Assoc
J. 146: 1571-1576,1992.
? Greene-Finestone, L. et al. Prevalence and Risk
Factors of Iron Depletion and Iron Deficiency Anemia
among Infants in Ottawa-Carleton. J. Can. Diet.
Assoc. 52:20-23, 1991.
? Canadian Pediatric Society. Meeting the iron needs
of infants and young children: an update. Position
Statement by the Nutrition Com-mittee. Can Med
Assoc J;144:1452-1453, 1991.
? Ziegler, E. E. and Fomon, S. J. Strategies for the
Prevention of Iron
Deficiency: Iron in Infant Formulas and Baby Foods.
Nutrition Re-views
54:348-354,1996
? Weinberg, E.D. Iron and susceptibility to infectious
disease. Science;184: 952-956, 1974
? Haddock, R.L. et al. Infant Diet and Salmonellosis.
Am J Publ
Health;81:997-100013, 1991.
? Lonnerdal, B. Hernell, O. Iron, zinc, copper and
selenium status of
breast-fed infants and infants fed trace element fortified
milk-based infant formula. Acta Pediatrica. 83:367-373,1994.
? Beutler, E. How little we know about the absorption
of iron. Am J Clin
Nutr 66:419-420,1997.
? Pisacane, A. et al. Iron status in breast-fed infants.
J.Pediatr
127:429-341,1995.
? Mohrbacher, N. Stock, J. Traité de l'Allaitement
Maternel. Ed 1999.
Disponible auprès de LLL France.
Statut du fer chez les enfants allaités
Iron status in breast-fed infants. A Pisacane, B De
Vizia, A Valiante et al.
J Pediatr 1995 ; 127 : 429-31. Mots-clés :
allaitement, fer, anémie,
supplémentation.
Le statut du fer a souvent été étudié
chez des enfants exclusivement
allaités pendant 6 mois, et qui recevaient
par la suite d'autres aliments ou d'autres laits que
le lait maternel. La présence d'autres aliments
peut
affecter la biodisponibilité du fer présent
dans le lait maternel. Aucune
étude ne s'est penchée sur le statut
du fer chez des enfants qui ne
recevaient que du lait maternel à l'exclusion
de tout autre lait pendant
leurs 12 premiers mois, et qui ne recevaient aucun
aliment contenant du fer.
Les auteurs ont cherché à combler cette
lacune.
Cette étude a porté sur 55 enfants,
nés dans le service d'obstétrique de
l' Université de Naples (Italie). Tous les
enfants pesaient au moins 2500 g, étaient nés
à terme et par voie basse, ne présentaient
aucune malformation, étaient en bonne santé
; les mères prévoyaient d'allaiter exclusivement
pendant au moins 6 mois, et l'enfant ne devait recevoir
aucun supplément en fer. Les enfants ont été
vus tous les mois, et les mères recevaient
des consignes pour la préparation des aliments
de sevrage. Parmi les 55 enfants, 20 se sont vus prescrire
des suppléments de fer par leur pédiatre
de ville, et 5 ont été sevrés
et ont commencé à recevoir du lait de
vache avant l'âge de 12 mois. Ces 25 enfants
ont été exclus de l'étude, pour
ne garder que les 30 enfants toujours allaités
à 12 mois, ne recevant aucun autre lait que
celui de leur mère, et aucun aliment enrichi
en fer.
A chaque visite, on a recueilli des données
sur la croissance et l' alimentation de l'enfant.
Le statut du fer a été déterminé
à 12 mois chez
tous les enfants à partir de prélèvements
de sang veineux, puis à 24 mois chez 20 enfants
qui n'avaient reçu aucune supplémentation
en fer entre 12 et 23 mois (9 enfants avaient reçu
du fer en raison d'un taux d'hémoglobine inférieur
à 110 mg/l, et un enfant a été
perdu de vue).
A 12 mois, parmi les 30 enfants toujours allaité
et n'ayant reçu aucun
supplément de fer, 21 (70%) avaient un taux
d'hémoglobine égal ou supérieur
à 110 mg/l. 9 d'entre eux (30%) présentaient
une anémie, et 6 présentaient aussi
une carence en fer. Il existait une relation significative
entre la durée de l'allaitement maternel exclusif
et le risque d'anémie. La durée moyenne
d'allaitement exclusif était de 5,5 mois chez
les enfants présentant une anémie, et
de 6,5 mois chez les enfants ne présentant
pas d'anémie.
Parmi les enfants qui avaient été exclusivement
allaités pendant au moins 7 mois (n = 9, durée
moyenne d'allaitement exclusif : 7,67 mois), aucun
n' avait un taux d'hémoglobine inférieur
à 110 mg/l (concentration moyenne 117 mg/l).
Parmi les enfants qui avaient reçu d'autres
aliments avant l'âge de 7 mois (n = 21, durée
moyenne de l 'allaitement exclusif : 5,6 mois), 9
(43%) présentaient une anémie (taux
moyen d'hémoglobine : 109 mg/l). Il n' existait
aucune différence quant aux taux de ferritine
entre les différents groupes d'enfants.
Parmi les 20 enfants vus à 24 mois, un seul
avait un taux d'hémoglobine
inférieur au taux retrouvé à
12 mois (106 mg/l contre 115 mg/l). Dans l'
ensemble, le taux d'hémoglobine restait constant
: moyenne de 117 mg/l à 12 mois, et de 118
mg/l à 24 mois. Le taux de ferritine restait
à peu près stable (moyenne 16,7 µg/l
à 12 mois, et de 14 µg/l à 24
mois).
Ces résultats confirment la prévalence
élevée de l'anémie et/ou de la
carence martiale chez les enfants allaités
pendant la première année de vie lorsque
la diversification alimentaire est commencée
avant 6 mois, et que l' alimentation ne contient pas
d'aliments riches en fer ou de compléments
de fer. Ces enfants ne représentent pas un
échantillon représentatif de la population
de cette tranche d'âge, de par la durée
de l'allaitement exclusif. Cette étude peut
cependant apporter d'utiles renseignements sur les
facteurs de risque d'anémie lorsque l'enfant
ne reçoit ni lait de vache, ni suppléments
de fer. Les données ci-dessus montrent que
l'existence d'un seul mois supplémentaire d'allaitement
exclusif diminue significativement le risque d'anémie.
Diverses hypothèses peuvent être proposées
pour expliquer le fait que les enfants qui sont exclusivement
allaités pendant 7 mois et plus ont un risque
moindre d'anémie que les enfants qui reçoivent
d'autres aliments plus rapidement. Il ne semblait
pas que les mères qui allaitaient le plus
longtemps avaient elles-mêmes une alimentation
plus riche en fer. Il est
possible que les enfants qui commençaient plus
tôt la diversification
alimentaire consommaient des aliments qui inhibaient
l'absorption du fer;
une étude plus poussée de l'alimentation
reçue par l'enfant pourrait mettre en évidence
un tel facteur. Les mères qui allaitent exclusivement
pendant longtemps présentent certaines caractéristiques
qui pourraient être à la base d'un abaissement
du risque d'anémie. Le lait de ces mères
contenait peut-être plus de fer que la moyenne,
ou les enfants avaient un stock de fer plus important
à la naissance, mais ces facteurs n'ont pas
été étudiés.
Le risque d'anémie chez les enfants est à
la base de la recommandation
actuelle de les supplémenter en fer à
partir de 4 mois. Lorsque l'on ne
prenait pas en compte la durée de l'allaitement
exclusif, la prévalence de l
'anémie était élevée.
Lorsque l'on étudiait à part les enfants
exclusivement allaités pendant au moins 7 mois,
la prévalence de l'anémie était
nulle, même si les réserves en fer étaient
basses chez 20% des enfants. Les études à
venir devraient tenir compte de la durée de
l'allaitement exclusif. Les enfants qui sont exclusivement
allaités pendant une telle période constituent
une très faible minorité dans nos pays
; il reste donc préférable de recommander
la supplémentation en fer chez les jeunes enfants.
Toutefois, dans certaines populations, l'allaitement
maternel est la norme, et la supplémentation
en fer est difficile ou impossible pour diverses raisons.
Or, bon nombre de ces populations voient diminuer
leurs taux d' allaitement, ce qui expose les enfants
à de nombreuses pathologies. La promotion de
l'allaitement exclusif prolongé pourrait être
une importante mesure de santé en permettant
un meilleur statut du fer.
Edition mise à jour: 01.02.2005