Ce qui
suit est la trame première de la session Allaitement
des jumeaux, que j'ai eu l'honneur d'animer au congrès
annuel de La Leche League, à Dourdan, octobre
1999. Devant puéricultrices, infirmière,
animatrices LLL, j'ai essayé de parler des
difficultés de l'allaitement des jumeaux, et
nos échanges furent intéressants, grâce
à l'auditoire venant de différentes
parties de France (et donc d'hôpitaux différents),
mais aussi venant de Belgique, de Suisse.
Bien sûr,
ce que j'ai dit et les échanges ne sont pas
sur ce document, il s'agissait pour moi d'avoir une
trame, des sujets essentiels à mentionner.
Il est certainement bon pour tout professionnel de
la santé de lire ouvertement ce document, qui
est un plaidoyer, pas un simple brouillon de discours.
De nos
échanges (dont l'impossibilité de s'accorder
sur les valeurs des "dextro" y compris entre
équipes de puéricultrices) il est résulté
une chose: il y a beaucoup à faire pour faire
connaître l'allaitement, et aussi pour faire
connaître les principaux soucis rencontrés
dans la gémellité, dans l'allaitement
gémellaire, un besoin constant de coopération
entre professionnels de la santé et associations.
Une ultime
précision: si l'idée m'a effleurée,
parfois de penser: " ah, si toutes les femmes
allaitaient complètement leurs jumeaux",
mais en fait, j'aimerais préciser mon idée
réelle: j'aimerais que les femmes soient informées
de ce qu'elles peuvent allaiter complètement
leurs jumeaux, que le mixte ne soit plus l'idée
imposée mais choix personnel.
Merci enfin,
à La Leche League, de m'avoir témoigné
sa confiance.
TOUT
POUR LE BIBERON
L'allaitement
des jumeaux est une chose encore méconnue des mères
qui ignorent qu'elles peuvent allaiter plusieurs
enfants; c'est le doute sur la quantité de lait;
nos grands-mères, puis nos mères, ayant été fortement
enjointes de donner du lait artificiel, on a oublié
que si notre espèce est sur Terre depuis plusieurs
centaines de milliers d'années, c'est grâce au lait
maternel. Cette amnésie se retrouve déjà dans l'allaitement
d'un enfant.
L'allaitement
maternel est également mal connu ou parfois délibérément
ignoré du personnel médical; nombre de médecins
déconseille l'allaitement qui va "fatiguer
inutilement" la mère, quand il n'est pas
"considéré comme inutile"; "on
fait de très bons laits maternisés", n'est-ce
pas? voire avant même l'accouchement, les médecins
préviennent la future mère qu'elle devra accepter
des compléments. J'emploie volontairement le
terme "lait maternisé" qui appuie bien
la facilité avec laquelle on propose des substituts,
dont on dit qu'ils sont totalement identiques au
lait maternel.
ASPECT PRATIQUE
Sans
même entrer dans les détails des tours de lait,
les équipes en maternité trouvent également très
facile de distribuer des biberons aux bébés, d'en
proposer systématiquement aux mères, même celles
qui allaitent; il n'y a jamais besoin de montrer
comment on donne des biberons, alors que pour aider
une mère à mettre au sein et à établir une bonne
lactation, cela prend du temps et de l'énergie.....
en double pour ce qui nous concerne, mères de jumeaux.
ASPECT
FINANCIER
De plus,
les équipes semblent motivées à faire donner
des biberons, car on représente un sacré potentiel
financier également, avec des besoins en substituts
du lait maternel doublés....
DEFENSE
DE MATERNER
De
plus, dans ce nouveau mode familial aseptisé qu'est
devenue la relation mère-enfant, le personnel
médical propose souvent le mixte dont on
sait parfaitement que cela empêche la lactation;
"reposez-vous, donnez-nous vos enfants
pour la nuit, vous êtes là pour dormir..."
Il est inconcevable de dormir avec ses enfants,
de donner la tétée à la demande..
Ces réflexions,
ces actes s'adressent à toutes, mères d'un enfant,
ou de jumeaux, mais peut-être plus aux mères de
multiples, car "on en a toujours un au sein"
"on n'est pas encore douchée" "on
n'a pas encore fini son repas" etc. Que d'arguments,
n'est-ce pas?
Ignorance,
désintérêt de la part de l'entourage, de la société,
des praticiens, entraînent une difficulté accrue de
l'allaitement maternel des jumeaux. Car on a perdu
confiance en l'allaitement maternel on ne croit plus
au sein, encore moins au sein d'une mère de jumeaux.
PHYSIOLOGIE
A
cela s'ajoutent les problèmes que je qualifierais
de physiologiques, qui sont plus particuliers à
la gémellité-triplicité comme: risque de petit
poids, faible succion, prématurité (petite ou grande),
et un aspect très mental qui est la gémellisation
/dégémellisation.
J'ai
eu la grande chance d'accoucher de mes deux garçons
par les voies basses, à 8 mois et 1 semaine.
AUCUNE INTIMITE
L'accouchement
gémellaire a cela de caractéristique qu'on accouche
devant 6 à 7 personnes, plus le papa. Dans le genre
intime, je suis persuadée qu'on peut faire mieux,
et pourtant cela peut se justifier, dans le sens
qu'il faut deux équipes: une par enfant, plus bien
sûr l'équipe qui accouche la mère.
PAS
DE CONTACT CHARNEL
Ce qui
est assez difficile et qui couronne l'accouchement
gémellaire, c'est que à peine votre premier-né est
posé sur le ventre maternel, qu'il en est retiré,
que l'équipe médicale se met en place pour l'arrivée
du second enfant.
Il peut
sembler difficile de pousser pour faire naître le
jumeau, tout en gardant le premier-né sur le ventre,
ce serait incongru. Ce manque total de contact
charnel mère-enfant, se retrouve certes dans
la majorité des accouchements simples : l'enfant
nait, on le laisse quelques minutes à la mère-on
lui reprend l'enfant pour l'agpar, l'anthropométrie....
Mais,
ici, on fait fort : on pense agpar, visite médicale,
et arrivée du deuxième, et non pas relation charnelle,
ni même bras paternels, si effectivement le jumeau
se hâte de rejoindre le premier- né.
Un
double accouchement donc, avec le premier-né évacué
en hâte -même sans nécessité pathologique! (relativisons...
toutes les naissances ne sont pas sur cet unique
schéma non plus!)
J'avais toutes mes chances de réussir mon allaitement
dès le départ: pas de néonatalogie, pas de césarienne
et une tétée précoce au début de la deuxième heure,
en salle de naissance, mais ...
FAIBLE SUCCION
Le
premier problème rencontré est le fait que Maximilien
semblait ne pas savoir téter.
Son
extraction brusque et totalement injustifiée
à mon sens, par le siège, est peut-être aussi cause
de son manque de vigueur de succion, et pas seulement
son poids de 2400g. On peut imaginer un mini-traumatisme?
Toujours est-il que la première mise au sein eut
lieu 1h après la naissance, avec un bébé hurlant,
ne sachant prendre le sein, et une maman un peu
dépassée par cela.
L'aide
concrète de la sage-femme allaitement eut lieu le
lendemain, 18h plus tard....(Alexandre lui eut une
bonne première tétée)
Premier
problème donc: un bébé ne sachant pas téter, et
manquant de vigueur de succion.
DEXTROS
Est-ce
la gémellité? la naissance à 8 mois 1 semaine? le
petit poids (2400 et 2510 g)? les puéricultrices
se sont vite mises en veine... de faire des dextro
qui étaient "si bas" avec des guillemets
qu'on a imposé des compléments.
On me
culpabilisa, parce que je ne faisais pas du mixte
comme l'autre maman de jumeaux à côté, elle au moins
avait le temps de se doucher (en fait de douche,
je me douchais chaque matin à 6h). Je refusais l'idée
du mixte.
Et de
donner des compléments, me proposa-t-on les deux
premiers jours? Mais enfin, puisque j'ai du colostrum,
pourquoi est-ce que je donnerais des compléments?
Mais
les enfants ne reprenaient pas leur poids de naissance!
et le lait ne "montait" pas. Et les dextros
étaient bas.
Alors
moi, ingénue que j'étais, j'étais si heureuse de
laisser les visiteurs donner ces biberons tout prêts...
Pauvre de moi, qui par mon manque d'information,
et mon incapacité à m'affirmer, retardait la montée
laiteuse, et reculait ma potentialité à allaiter
à 100%! Et pourquoi ne m'a-t-on pas proposé des
compléments de lait de femme? Et pourquoi le biberon
comme dispositif?
LA PANACEE
- VOUS N'AUREZ JAMAIS DE LAIT
Ces
compléments que j'ai finalement donnés m'ont été
présentés comme LA panacée, ce qu'il fallait à mes
enfants, qui ne prenaient pas de poids depuis
leur naissance.
Il faut
rappeler qu'une infirmière venait deux fois par
jour, pour me demander si j'avais du lait, et elle
conclut finalement, le 5e jour, que je n'en aurai
jamais, que c'était trop tard.....une maman d'une
autre maternité eut la visite toutes les trois heures
d'une infirmière qui lui tâtait les aisselles, et
comme rien ne gonflait, ses jumeaux recevaient un
biberon... Il n'y avait pas de mise au sein
Pourquoi m'obstiner à allaiter? à allaiter des jumeaux
d'autant plus? me demanda-t-elle? Ce 5e jour, après
qu'elle m'eut assené son coup de grâce, j'appelais
mon mari, en larmes; ce fut lui qui me rassura,
qui me dit que du lait j'en aurais, qu'il ne fallait
pas que j'écoute cette infirmière.. je me rappelle,
c'était un dimanche!
A croire
qu'allaiter un bébé, cela peut éventuellement se concevoir,
mais deux, cela ne vaut pas le coup!!
FAIBLE VIGUEUR ET DESINTERET DU PERSONNEL
Le
lait arrive enfin; mes seins avaient gonflé. Maximilien
plus faible que son frère, n'arriva plus à téter
alors qu'enfin, nous avions des tétées paisibles-je
restai ces 5e, 6e et 7e jours à pleurer face à des
mises au sein à nouveau infructueuses, un personnel
tardant à venir jour ou nuit, mettant souvent plus
de 3/4 d'heures pour venir me voir...
"J'ai
des biberons à donner à tout l'étage" me fut-il
répliqué parfois.
Jusqu'au
soir (7e jour) où une sage-femme eut enfin l'idée:
Maximilien n'avait pas assez de force pour téter
un sein gorgé de lait: "tirons un peu de lait
et donnons-le.. au biberon".
Ce n'était pas la panacée comme conseil, mais
c'était enfin le premier conseil en trois jours
de larmes, de désespoir, et culpabilité. Malchance,
la sage-femme allaitement était absente pendant
ces trois jours-là....
Par contre, de me faire courir pour filer vite réfrigérer
mon lait, et de courir stériliser le tire-lait,
cette vieille mécanique bruyante!
DES
DEXTROS PAS SI MAUVAIS
La
pédiatre vint enfin en consultation le 7e jour,
pour me dire que les compléments étaient inutiles,
les dextros n'étant pas si mauvais que cela.
"Donnez des compléments si vos enfants donnent
l'air d'avoir encore faim".
Voilà enfin un petit élément: les dextros n'étaient
pas si bas....mais enfin, dans l'intervalle, on
avait retardé ma lactation, et l'effet optimal sur
la santé par l'allaitement maternel était un peu
corrompu! Et la porte restait ouverte, tout de même,
aux compléments par cette petite phrase sybilline:
"si vos bébés donnent l'air d'avoir
encore faim", alors qu'un bébé peut avoir envie
de téter sans être affamé pour autant!
On calcule
qu'il faut un complément à un enfant
-
Parce qu'il pèse hors norme (quoique 2400g pour
8 mois est quand même un poids correct, même pour
une grossesse simple, mais ce n'est pas le poids
"normal" de naissance de 3kg-3.5kg)
-
parce qu'il est un jumeau ou plus
Cela est même parfois décidé avant l'accouchement
même, une future maman qui m'a récemment contactée
m'a dit qu'elle était fort heureuse de me voir,
car son médecin avait acquiescé: oui elle pourrait
allaiter, mais il avait dit qu'il lui faudrait
accepter des compléments.
Les enfants ne sont donc pas encore nés que leur
régime est établi, qu'on met déjà en doute, les
capacités de la mère à allaiter ses jumeaux. On
ne se donne même pas la peine de conseiller
ces futures mères ni de les adresser à des personnes
compétentes.
Ces problèmes physiologiques: méconnaissance de
la tétée, manque de vigueur car faible poids, incapacité
à téter un sein désormais trop gorgé de lait, s'ils
m'ont fait souffrir moralement, ne semblent pourtant
pas grand chose face à la réalité rencontrée par certaines
mères de jumeaux: césarienne, néonatalogie.
INTERET DE LA PERIDURALE - EPEE DE DAMOCLES
Il est
clair que désormais en France, qui n'accouche
pas par péridurale est une exception. Dans la
surmédicalisation de l'accouchement, on est très
fort mais à bon escient néanmoins, pour l'accouchement
gémellaire; effectivement, la grande tendance est
à la césarienne, mais commence à n'être faite que
quand c'est nécessaire; nombre d'accouchements commencent
par les voies basses, et l'intérêt pour nous, mamans
de jumeaux, est de demander la péridurale, car si
l'accouchement devait se transformer en intervention
chirurgicale, hors cas particulier, la péridurale
permet d'adapter l'anesthésie à la césarienne;
s'il
n'y a pas péridurale, c'est l'anesthésie générale!
et tétée bien retardée!!
La
péridurale nous permet donc de ne pas vivre l'accouchement
avec une épée de Damoclès-j'avouerai concernant
la péridurale, que je l'ai demandée volontairement,
à la dernière limite, c'était à la limite du "trop
tard", et elle fut très bien faite, j'ai toujours
continué à sentir les bébés bouger, puis sortir
de mon corps.
CESARIENNE
Pour
revenir à la césarienne, si elle est faite,
la douleur, et le manque de mobilité conséquents
poussent parfois à négliger d'apporter une aide
plus particulière à la jeune accouchée: on tarde
un peu à venir apporter un bébé dans le lit de la
mère, puis le second, on oublie d'expliquer,
de montrer qu'il existe des moyens de rester allongée
sur le même côté, et d'allaiter le premier,
puis le second enfant aux deux seins, mais sans
se retourner...
NEONATALOGIE
La
néonatalogie quant à elle.... il semblerait
qu'on commence à proposer aux mères de tirer leur
lait pour leurs enfants, d'après un appel téléphonique
récent au lactarium de Paris. Mais dans le cadre
de mon soutien aux mères de jumeaux, une maman m'a
dit plus tard qu'elle était passée pour une extra-terrestre
à vouloir allaiter des jumeaux, déjà, et des prémas
en plus; ce fut grâce à mes conseils et à mon soutien
qu'elle put s'imposer, imposer son vouloir, son
allaitement, et voir ses enfants grandir, pousser,
plus vite que les autres..... quelle joie! et revanche
aussi!
Je pense
que les mères, une fois qu'elles sont au sein du
lactarium, sont aidées; mais la démarche consistant
à proposer à l'accouchée d'exprimer son lait, c'est-à-dire
l'étape précédente, pèche encore. Il faut que les
équipes médicales cessent de culpabiliser les mères
qui expriment leur lait, pour leurs enfants hospitalisés;
il faut qu'elles encouragent au contraire ces actions,
et qu'elles se rendent disponibles pour les tentatives
de mises au sein, car ce geste est aussi un geste
entrant dans le cadre du traitement médical des
enfants, ce lait les sauve, ce geste maternel les
sauve, au même titre que les alarmes, les respirateurs,
les cathéters....
MANQUE DE COURAGE DE S'AFFIRMER
Tous ces
problèmes physiologiques:
- manque
de vigueur car faible poids,
- méconnaissance
de la tétée,
- incapacité
à téter un sein désormais trop gorgé de lait,
- et
relactation difficile, elle m'a pris un bon mois,
ont entraîné
des larmes, face à mon ignorance, face à mon incapacité
aussi, à m'affirmer. Je n'ai jamais eu la force de
dire "merde" au personnel, je n'ai jamais
eu le courage de ne pas donner le complément
(en plus, mes enfants ne prenaient pas de poids, leurs
"dextro" étaient soi-disant trop bas, comment
voulez-vous que la mère fasse le bon choix pour son
allaitement, quand elle est ignare, à la limite d'être
une mauvaise mère en ne prenant pas bien soin de la
santé de ses bébés?
J'étais pendant ma grossesse, bien trop sûre de moi-même,
dans le sens où dès le moment où j'ai su que je pouvais
allaiter à 100% je ne suis pas allée plus loin dans
mes démarches...
GEMELLITE
La gemellité
signifie deux enfants à nourrir, et plusieurs questions
conséquentes.
La future
mère peut donc se demander si elle ne va pas passer
son temps à donner le sein. C'est d'ailleurs
un argument de certains professionnels de la santé
pour encourager le mixte ou pour carrément décourager
du sein.
L'autre
question est: dois-je réveiller le second pour lui
faire suivre la tétée du premier?
L'allaitement
à la demande est un point qui peut rebuter la
future mère, ou la mère.
"Passer
son temps un bébé au sein" est une idée préconçue
dont il faut préciser que ce n'est pas toujours
vrai.
Souvent
au bout de quelques semaines, les tétées se régulent
un peu, mais il faut effectivement aller au-delà
de ces semaines. Quant à faire suivre les tétées
d'un bébé puis l'autre, on sort ici du cadre de
l'allaitement à la demande
L'interrogation
maternelle peut d'ailleurs être: faut-il vraiment
donner à la demande? est-ce qu'on ne peut pas
donner le sein toutes les trois heures? Il faut
donc comprendre cette mère qui peut finalement opter
pour le substitut de lait, carrément, à cause de
ce point-là uniquement.
OUBLI
DE L'AIDE EXTERIEURE
Et
j'ai oublié que je pouvais demander de l'aide, à
l'extérieur de la maternité; plus tard, je me
suis demandé pourquoi je n'avais même pas contacté
la sage-femme qui m'avait suivie.
SOUTIEN
ASSOCIATIF PRIMORDIAL
C'est
pourquoi dans cette période-là, il faut informer
les futures mères de jumeaux comme les autres futures
mères d'un enfant, mais les mettre en garde, beaucoup
plus, et les assurer de notre disponibilité même
après l'accouchement, voire surtout après l'accouchement.
Dire qu'on est là, pas dérangé par leur appel.
J'ai
connu un échec: j'avais aidé en pré-natal une famille-le
grand-père m'annonce la naissance des enfants, et
leur allaitement à 100%, je félicite la famille,
rappelant qu'en cas de problème, je suis là-4 mois
plus tard, j'apprenais que la mère avait rencontré
des difficultés, avait cessé l'allaitement. J'ai
beaucoup culpabilisé, mais la famille n'est pas
venue à moi dans ces problèmes-là. La question pourrait
être: quand on a les coordonnées de la famille,
doit-on les recontacter?
L'association, parmi tous ses rôles, est information,
soutien, et un peu détective.
Outre
l'information et l'action sur les points évoqués
tel petits poids, méconnaissance de la tétée, faible
vigueur etc. l'environnement doit être DEVINE: investissement
paternel, soutien de l'entourage...
Un
entourage décourageant peut se révéler catrastrophique
pour le moral; s'entendre dire:
"mais
enfin allaiter des jumeaux, tu n'auras jamais assez
de lait, tu vas arrêter d'allaiter, il faut les
sevrer"...
La gémellité
et la gémellisation sont un dernier élément:
l'arrivée
simultanée de deux enfants est prenante, fatigante,
éprouvante, surtout quand par choix ou nécessité,
on ne peut être aidé ou soutenu par l'entourage
(s'il se montre négatif par exemple).
La
charge représentée par deux nourrissons qui
ont les mêmes besoins en même temps...
L'aspect
psychologique de la mère qui ne sait plus quel
bébé prendre dans ses bras, qui se demande si l'un
des bébés n'a pas été trop négligé?
Cette
impuissance, ce désarmement, peut se prolonger,
d'ailleurs.
J'ai
noté cependant que cet aspect de la gémellité ouvait
être facteur d'allaitement: on allaite ses jumeaux,
parfois justement parce que ce sont des jumeaux,
parce que ces tétées seront des câlins supplémentaires-
et là l'allaitement d'un bébé à la fois répond à
ces besoins profonds de la mère.
Personnellement, c'est dans un autre domaine de
l'allaitement que je souhaite remercier une jeune
femme
sûrement
parmi nous aujourd'hui, Anne-Noël Cailleretz, qui
n'a pas hésité à se mobiliser, en semaine, en week-end,
oui même le dimanche, pour un mauvais muguet et
la relactation de mes jumeaux : cela, c'est une
autre histoire, et aussi Claude Didier-Jean, récemment,
qui m'a rassurée alors que je craignais de devoir
sevrer mes enfants il y a quelques semaines, à cause
de douleurs au ventre. Ce furent les seuls points
épineux que j'ai rencontrés, car l'allaitement à
nouveau à 100% le jour de leurs 3 mois s'est poursuivi
jusqu'à ce jour: Alexandre et Maximilien ont 2 ans.
En fait
les enfants 15 mois après, tétaient de temps
à autre….)
SOUTIEN
DES EQUIPES MEDICALES
Le soutien
des équipes médicales: en gynécologie, en néonatalogie,
en pédiatrie, doit absolument s'accroître.
C'est un fait, dont on sait que l'initiative Hôpitaux
Amis des Bébés ne fut pas souhaitée par les maternités
françaises.
Il ne
faut cependant pas généraliser le comportement des
maternités, et je voudrais ici rendre hommage
à des praticiens que j'ai été amenée à connaître,
dans le cadre de mon soutien aux (futures) mères
de jumeaux, des hommes, des femmes, qui s'impliquent
dans leurs services, protégeant l'allaitement maternel
des bébés, seul, jumeaux, triplets....
SOUTIEN
PATERNEL
Et
j'ai occulté tout du long une personne qui fut une
épaule, mon mari, le père de mes enfants; ce
fut lui qui me rassura, ce 5e jour où l'infirmière
m'avait dit que c'était trop tard, que je n'aurais
jamais de lait (et une heure après notre appel téléphonique,
mon lait coulait à flot); ce fut lui qui dit un
jour: bon tu veux re-allaiter, OK on y va mais on
y va!; ce fut lui qui s'investit dans le maternage
tandis que je donnais le sein à l'un des bébés,
ne souhaitant pas allaiter simultanément, pour que
chaque tétée fut personnelle, bien dédié à UN
bébé... Ce personnage clé, a un grand rôle, tous
les papas devraient s'investir dans leur paternité
et dans l'allaitement maternel, et leur rôle quand
il ne serait pas nourricier, est de paterner l'un
des jumeaux quand la mère materne l'autre.
Les
difficultés que j'ai rencontrées ont certes en partie
motivé mon désir d'informer d'autres mères, pour
que ce que j'ai vécu ne se renouvelle pas, quoiqu'au
départ, je ne souhaitais que témoigner; mais c'est
surtout le plaisir ressenti en deux ans d'allaitement
qui fait que je souhaite partager ce bonheur; on
peut allaiter des jumeaux-on peut passer le cap
des difficultés-
mais
surtout, on vit de merveilleux instants de bonheur
avec nos deux enfants, l'allaitement maternel est
une façon que j'ai eue de prendre mes enfants dans
mes bras, et de leur dire: "je vous aime"
avec mon lait, avec mon corps, avec mon coeur; ce
fut mon moyen d'exprimer cet amour. C'est de là
que découle mon désir d'aide aux mères de jumeaux,
c'est pas seulement informer et soutenir, c'est
aussi partager ces instants de bonheur.
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